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23 livres québécois pour tous les goûts sortis en octobre
Crédit: Ton Barbier

La littérature d’octobre est souvent tourmentée, mais vise surtout à rendre supportable la disparition de toute luminosité naturelle assez tôt en soirée. Quoi de mieux que de lire en mou alors que les soirées rafraîchissent? L’offre est encore une fois abondante, et propose une multitude de voix et de perspectives pour tous les goûts.
 
Kerouac & Presley
André Pronovost
Leméac
Tout d’abord offert gratuitement sur le web à une poignée de chanceux, ce roman est le point culminant de la fascination de l’auteur pour les États-Unis. Pays qu’il a exploré maintes fois dans ses récits, et qui lui inspire un roman feutré où il raconte son rapport à deux grands artistes, et son quotidien de lavalois habitant les berges de St-Vincent de Paul. Une œuvre qui nous happe par sa profonde humanité.
 
The Original face
Guillaume Morissette
Véhicule Press
Le premier roman de cet auteur montréalais, New tab (2014), a été traduit en français et publié chez Boréal l’an dernier. Car Morissette, malgré des origines francophones, a fait le choix d’écrire en anglais. Son petit dernier nous parle d’un pigiste montréalais qui a du mal à bien gagner sa vie, et dont la situation amoureuse est plutôt houleuse. Un portrait décapant d’une certaine réalité que l’on connaît (malheureusement) bien.
 
Les noyades secondaires
Maxime Raymond Bock
Le Cheval d’août
Montréal regorge de petites histoires, et après deux romans très réussis, Maxime Raymond Bock nous en propose ici sept, sous forme de nouvelles, chez un éditeur que nous adulons. Bel objet, le livre nous promet la traversée fugace de quelques moments dans l’existence d’artistes, d’athlètes et de familles, des gens mélancoliques qui expérimentent bien souvent un niveau de solitude difficile à concevoir en milieu urbain. Un recueil où l’on se reconnaît sans peine.
 

De synthèse
Karoline Georges
Alto
L’image que projette une femme est une thématique obsessionnelle chez l’auteure d’Ataraxie, et ce nouveau roman aborde une question très contemporaine : l’image projetée sur les réseaux sociaux. Ça met en scène une femme qui vit par procuration à travers son avatar, environ 10 ans dans le futur, en faisant une œuvre de fiction spéculative que l’on a très hâte de dévorer.
 
La république de l’abîme
Louenas Hassani
Éditions de l’Interligne
Rares sont les œuvres dystopiques au Québec, et en voici une nouvelle dont la prémisse est fascinante. Dans un pays fictif, transformé du jour au lendemain en théocratie, un groupe de rebelles agit dans l’ombre afin de réaliser des coups d’éclat qui pourraient éventuellement ramener leur société vers des valeurs plus modernes. On pense à Soumission de Houellebecq, et l’auteur est un Algérien résidant au Canada depuis 2016, et qui est préoccupé par l’islam politique. Il s'agit de son deuxième roman.
 
Un jour je te dirai tout
Brigitte Haentjens
Boréal
Grande femme de théâtre, Haentjens est aussi romancière à ses heures, et son dernier roman nous parle habilement de la rencontre de deux êtres entre qui règne une immense attirance. En une centaine de pages, nous passons à travers une gamme de sentiments, et explorons un aspect très charnel de l’écriture de la dramaturge, qui décrit à merveille la magie d’une nouvelle relation.
 
La bête creuse
Christophe Bernard
Le Quartanier
Voilà un objet décidément monumental, un roman ahurissant dans tous les sens du terme. La première œuvre de cet auteur québécois qui réside au Vermont, qui s’étend sur plus de 700 pages, est un work in progress depuis au moins 2012, plus de cinq ans d’un travail titanesque que nous attendions avec une impatience non dissimulée. Ça célèbre la Gaspésie et certains personnages hauts en couleur qui la peuplent, ça se déroule en 1911 et de nos jours, et ça ne ressemble à absolument rien, oscillant à mi-chemin entre la fable sociale délirante et la comédie de mœurs, avec un aspect définitivement rabelaisien.
 

Chorbacks
Jean Désy
Mémoire d’encrier
La poésie de Désy devrait faire partie de toute prescription contre la dépression saisonnière. Ses mots célèbrent la nordicité et les grands espaces avec une sensibilité très particulière, car sa vie de médecin l’amène à arpenter sans cesse des territoires où le commun des mortels s’arrête rarement. Avec l’hiver qui arrive, c’est une lecture qui incite à la contemplation et au silence.
 
Hivernages
Maude Deschênes-Pradet
XYZ
Il y a des idées qui frappent par leur géniale simplicité, et ce deuxième roman de Maude Deschênes-Pradet en propose une : un hiver qui ne s’est jamais terminé, et qui a fait du Québec une zone post-apocalyptique peuplée de personnages écorchés. C’est une pensée qui peut nous traverser chaque année, chaque fois que les journées trop courtes nous frigorifient. Et l’auteure en a fait une histoire où résilience et nordicité cohabitent harmonieusement, malgré le sort difficile réservé à certains personnages.

Le monde est à toi
Martine Delvaux
Héliotrope
Où commence le féminisme? Très tôt, on l’espère, et Martine Delvaux a décidé d’en parler à sa fille dans ce très touchant essai. Sous la forme d’une longue lettre, cette déclaration d’amour est aussi une réflexion sur la maternité et la transmission des valeurs. Après quatre romans et deux d’essais, l’œuvre de cette militante féministe prend une tournure très personnelle, et cette franchise séduit.
 
Un pays en commun
Éric Martin
Écosociété
Professeur de philosophie, Éric Martin a déjà publié deux essais, qui traitent de sujets aussi divers que la hausse des frais de scolarité et le renouvellement de la théorie critique. Il s’intéresse ici à la possibilité de l’indépendance du Québec, en y apportant toutefois quelques bémols. Le modèle dépassé qui est brandi par les séparatistes depuis le premier référendum doit absolument être réarticulé, et il nous propose quelques pistes.
 

Au 5e
MP Boisvert
La Mèche
Il se passe beaucoup de choses dans cet appartement situé au 5e étage, un logis qui abrite une « famille » reconstituée, un quatuor gender-fluid à la configuration amoureuse variable. Lorsqu’Éloi, l’ex d’Alice, aménage avec eux, les membres du petit groupe ont peur que leur petit bonheur soit compromis.  Un roman choral sur le polyamour, voilà une proposition audacieuse, mais surtout de très agréable lecture, un premier roman absolument unique.
 
Le livre de bois
Jean-Philippe Chabot
Le Quartanier
Même si cela peut paraître surprenant, nous vivons présentement une renaissance du roman de la terre. La récolte contemporaine est toutefois assez éloignée d’un « classique scolaire » comme Menaud, maître draveur, et propose d’ajouter un angle plus moderne aux codes du genre. Chabot, dont c’est le premier roman, a aussi signé un recueil de poésie cette année aux Éditions du Noroît, Comment finissent les arbres. L’auteur, qui s’introduit aussi décisivement dans notre paysage littéraire, mérite le détour : ce petit récit qui vous fera jubiler peut être lu à plusieurs niveaux, et fait figure de « livre dont vous êtes le héros » métaphysique, qui sent bon la terre et les vieilles racines.
 
Les gammes
Christine Daffe
À l’étage
Un autre premier roman fort prometteur, Les gammes nous raconte une histoire d’amour légèrement controversée, campée dans l’univers de la musique classique. Sous une couverture très élégante se dissimule un récit qui grouille délicatement, des personnages qui mentent probablement, et une sensibilité qui fait du bien.
 

J’attends Joséphine
Jean-François Beauchemin
Leméac
Beauchemin, encore très inspiré par la mésaventure médicale qui l’avait conduit à rédiger son superbe récit La fabrication de l’aube,  raconte la transition que vit un couple d’octogénaires, dont l’homme vient de subir une transplantation cardiaque, lorsqu’ils passent de leur ferme à une résidence pour personnes âgées. Si l’on reproche parfois aux romans québécois de s’attarder principalement aux aspects moroses de l’existence, cette œuvre en est l’antithèse, et célèbre sobrement la vie et l’amour.

Albertine ou la férocité des orchidées
Julie Boulanger & Amélie Paquet
Québec Amérique
Compagnes de vie et d’écriture, les deux auteures nous ont offert au printemps dernier le mémorable Le bal des absentes (chez La Mèche), une compilation des meilleurs textes issus de leur blogue à propos des auteures féminines négligées. Premier roman écrit à quatre mains, Albertine prend la forme d’un habile pastiche de chick lit, et raconte avec un humour mordant de grands bouleversements dans plusieurs sphères de l’existence d’une ghost writer de Hochelaga.
 
Pulpe
Collectif
Québec Amérique
Avec des textes d’auteurs tels que Jean-Philippe Baril-Guérard, Emilie Andrewes, Audrée Wilhelmy et David Goudreault, cette collection de nouvelles érotique est arrivée sur les tablettes des libraires avec beaucoup de star power et une couverture fort alléchante. Stéphane Dompierre a rassemblé pour la troisième fois (après Nu en 2014 et Travaux manuels en 2016) des histoires certaines d’allumer le lecteur, certes, mais aussi de lui donner un aperçu assez large de l’état des relations amoureuses de nos jours, et même nous surprendre à quelques reprises.
 

Os. La montagne blanche
Steve Gagnon
L’Instant scène
Il y a beaucoup de thèmes rassemblés dans ce réjouissant monologue théâtral, qui parle de deuil d’une façon magistralement originale. L’auteur, que plusieurs ont découvert avec son essai chez Atelier 10 en 2015, Je serai un territoire fier et tu déposeras tes meubles, se glisse ici dans la peau d’un archéologue en détresse. Il est bon de noter que la pièce sera présentée à la Petite Licorne du 13 novembre au 1er décembre dans une formule debout plutôt inhabituelle.

Le film choral – Panorama d’un genre impur
Maxime Labrecque
L’Instant même
Souvent risqué, parfois réussi, mais toujours intéressant : le film choral est un genre cinématographique qui déchaîne les passions. L’idée de microcosme bouleverse la structure vieillotte du héros et de ses faire-valoir, et fait exploser les codes narratifs. Dans ce fascinant ouvrage, Maxime Labrecque fait l’examen du genre et fait des rapprochements entre les subtils mouvements au sein du genre, et le contexte historique et politique qui les a influencés.
 
Koalas
Un animal (mort)
Petit guide pour disparaître doucement

Félix-Antoine Boutin
Triptyque
Les pièces atypiques de Félix-Antoine Boutin doivent souvent être vécues au sein du public pour pleinement en profiter, vu leur scénographie souvent hautement conceptuelle et indissociable de l’expérience, mais le texte seul demeure quand même d’un souffle singulier. Ce recueil rassemble les textes de trois courtes pièces-performance, et témoignent d’un talent rare, et d’une vision unique.
 

Brasser le varech
Noémie Pomerleau-Cloutier
La Peuplade
Avec sa sensibilité de fille de la Côte-Nord, ce premier recueil de Noémie Pomerleau-Cloutier est bien imprégné de la flore laurentienne, une nature rassurante et protectrice qui a pris de nouvelles dimensions lors du décès de son père, qui était ingénieur forestier. L’auteure vit entourée de mots, étant impliquée dans plusieurs projets poétiques en plus de travailler en alphabétisation.
 
Le peuple brisé
Alex Caine & François Perreault
Hugo & Cie
Livre d’enquête écrit par Alex Caine et François Perreault, ce récit cherche à faire la lumière sur les inquiétantes disparitions en série de femmes autochtones au Canada, un féminicide préoccupant qui continue de passer inaperçu dans les médias, et un sujet aussi horrifiant que fascinant. Alex Caine est infiltrateur de métier, métis Mi’kmaq, et a travaillé entre autres pour la GRC, le FBI et la DEA.
 
Faire crier les nuages
Roger Des Roches
Les Herbes rouges
On répète souvent que la Mauricie est une région incubatrice de talents, et Roger des Roches ajoute du poids à l’argument par ses origines trifluviennes. Il a publié son premier recueil aux Herbes Rouges en 1973, et est toujours fidèle à son éditeur presque 50 ans plus tard. L’auteur nous parle ici de l’univers qui l’entoure, et non de lui-même, avec ces brefs poèmes intenses et marquants qui nous confirment qu’il n’a rien perdu de son souffle de jeunesse.

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