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Trop de restaurants à Montréal? Je ne crois pas
Crédit: www.mximecaron.com

« Trop de restaurants à Montréal ». Ça roule dans les médias depuis un bon moment. Dans Le Devoir, La Presse, The Globe & Mail, Radio-Canada, Le Journal de Montréal, The Gazette. You name it.

Des restaurateurs, des statistiques, des journalistes, tout le monde le dit: il y a trop de restos au Québec, et surtout à Montréal. Solution: il faut implanter plus de restrictions et de quotas, afin de sauver les établissements en place.

Ouin.

Personnellement, je suis loin d’être d’accord.

Petite mise en contexte. En ce moment, c’est assez facile d’ouvrir un restaurant au Québec. Pas mal n’importe qui peut ouvrir les portes d’un bistro, s’il en a les moyens. Nul besoin d’avoir une formation, ou de qualifications particulières. Seulement s’assurer de suivre les normes d’hygiène et de salubrité de la MAPAQ, et le tour est joué. Ou presque.

Des poids lourds de la scène culinaire montréalaise se sont prononcés sur le sujet. Des chefs que j’apprécie énormément et qui font clairement une différence quant au rayonnement de la ville à l’international. Cependant, même s’ils ont de bons points, je pense qu’ils comparent des pommes avec des oranges, pour parler en bon Québécois.

Oui, il y a vraiment beaucoup d’établissements de restauration à Montréal. C’est l’endroit où il y a le plus de resto per capita en Amérique du Nord. Mais encore.

Selon David McMillan (Joe Beef), cette facilité d’ouvrir ses portes ne fait pas de sens. En exemple, il dit que c’était un peu comme s’il décidait de s’improviser plombier, sans avoir de formation. Daniel Vézina (Laurie Raphaël) est du même avis.

Dans une lignée similaire, Carlos Ferreira (Taverne F, Ferreira Cafe, Café Vasco da Gama, Campo) affirme qu’il ne croit plus au libre marché, lorsqu’on parle du domaine de la restauration. « Il faut protéger les bons restaurants ».

Quelques mesures ont déjà été entreprises en ce sens. Dans certains quartiers, sur la portion de la rue Notre-Dame qui traverse Saint-Henri, notamment, un nouveau règlement stipule qu’une distance de 25 mètres doit être respectée entre deux établissements de restauration. Argument principal: si tous les locaux commerciaux sont occupés par des restos, il n’y aura pas d’ambiance dans les rues avant 18h le soir, ce qui serait nocif pour la vie de quartier.

Je ne sais pas pour vous, mais moi je vois un problème à cette logique, et à l’ensemble de ces raisonnements. Pour débuter, être plombier, c’est un métier technique. Il faut savoir quoi faire pour pratiquer. La gastronomie, c’est de l’art. Être chef, c’est être créatif, repousser les barrières, créer en dehors des normes. 
 

Photo: ArianeSp

« Ce ne sont pas les bons restos qui me nuisent, mais les établissements éphémères qui ferment leurs portes six mois plus tard, après que l’effet de nouveauté se soit dissipé. »

Ces mots de Daniel Vézina ne font que renforcer mon point de vue. De la compétition, il y en a dans plus d’une industrie. Eh oui, elle peut parfois être féroce. C’est un peu comme si les grandes agences de publicité bien établies se plaignaient qu’il y a maintenant trop de joueurs et de petites agences qui leur «volent» leurs clients. Le marché évolue, l’offre et la demande aussi. Ce n’est pas toujours évident, mais être en affaires, c’est apprendre à suivre le rythme.

Ce n’est pas pour rien que Montréal est reconnue pour sa gastronomie. C’est grâce à cette facilité qu’on y retrouve autant de diversité.

Si on enlevait les aspects d’accessibilité qui ont rendu le succès en restauration possible pour les pionniers d’aujourd’hui, peut-être n'aurions-nous pas la chance de voir naître des établissements comme Le Mousso, nommé 'très grande table' dans le guide Gault & Millau, par exemple.

Il se prononce lui-même: « Malgré tout le respect que je porte aux défenseurs de cette cause, je crois que la restauration restera toujours une vocation plus qu'un métier noble… je crois aussi que cet enjeu ferait bien mal à notre patrimoine culinaire multiculturel montréalais. »

Des autodidactes, il y en a. Et j’ai la ferme croyance que le monde de la cuisine devrait avoir le moins de barrières possible. La bouffe, c’est ce qui rassemble. C’est aussi ce qui distingue et qui donne une identité à une ville. Les bons établissements resteront et les moins bons disparaitront naturellement. Ne mettons pas de barrières dans l’univers de possibilités qui s’offrent à nous, chers montréalais.

#foodfirst

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