Aller au contenu
Petit plongeon dans la pop déviante de Lydia Képinski
Crédit: Etienne Dufresne

Ok, je sais que 2016 est fini, pis qu’on est tous bien contents de ça, mais j’vais revenir un instant sur un album sorti vers la fin de l'année. J’ai passé beaucoup de temps l’automne dernier avec l’EP éponyme de Lydia Képinski. Je sais pas exactement ce qui m’a fait graviter autant autour de son petit pack de quatre tounes, que ce soit la structure atypique, ou l’urgence sporadique des textes ou alors le son tantôt acoustique, tantôt électro…

Le opener du EP, Andromaque, regroupe à peu près tout ce qui est énoncé ci-dessus. Le morceau commence lentement, avec des arrangements presqu’absents et une voix mi-blasée, mi-pensive. Lydia semble revenir fatiguer d’un voyage pénible. Et puis on shift à la troisième, puis quatrième vitesse en l’espace de quelques mesures. Des vocals samplés, des percussions qui s’éclatent et un tempo qui s’emballe derrière un feu rapide de métaphores et d’images dans lesquelles elle s’acharne sur un passé naïf et arrogant. Beaucoup à digérer, déjà, en une seule track.

J’ai rencontré Lydia un vendredi matin pendant une de ces premières journées de froid mordant de décembre. Elle était hangover, moi j’étais en fin de session; on était à notre meilleur. À travers la fatigue, elle m’a tout de même dressé un portrait de sa vision avec une vigueur à laquelle j’étais pas exactement prêt.

Ses premiers pas ont été beaucoup plus classiques, notamment avec son ex-band qui était habitué à des arrangements plus traditionnels. Elle s’est éventuellement couplé avec le multi-instrumentiste Blaise Borboën-Léonard à la réalisation, et les deux y ont injecté une essence grunge qu’on entend pas souvent dans la formule une-fille-pis-son-piano. C'était pas mal plus centré sur ce qu'elle voulait, en tout cas.

 «J’voulais aller ailleurs. Mes cordes sont dans le rock et l'électro; Portishead c’est ma référence ultime. J’ai écouté Malajube pis beaucoup trop de hip-hop toute ma jeunesse, alors j’me reconnais beaucoup plus dans cette direction.»

Aussi, trouver du financement pour un son plus décalé de la “chanson française”, au Québec, ça ne se fait pas sans barrages routiers. Ses premières tentatives pour trouver de l’argent ont été infructueuses : on trouve ses maquettes trop brouillonnes, voire trop bizarres. Et déjà que faire de la musique au Québec n’est pas la voie la plus aisée, j’vous laisse guesser ce que ça donne quand on cherche d'emblée à prendre plus de risques.

Sur ce, Lydia me rappelle que son art est très subventionné : «On a un peu une mentalité d’assistés sociaux», et ça a donné lieu à une culture plutôt allergique aux risques et aux albums qui se décalent trop des autres. Malgré ça, j'entends pas tant de cynisme dans sa tirade. Au contraire. À ses yeux, le consommateur moyen est curieux et ouvert d’esprit. «Je garde confiance en les gens. C’est pas pour rien que mes textes sont si denses; si tu veux fouiller, fouille, pis tu vas trouver des affaires intéressantes. Sinon, la musique est là, pis tu peux très bien t'en tirer avec ça.»

source : facebook

Cette confiance a été payante pour le EP. Elle a éventuellement trouvé un label conciliant avec ses idées et ses textes (Chivi-Chivi), a lancé son projet en novembre et la critique s’est emballée sur la direction. En parallèle avec une série de shows sporadiques, elle travaille maintenant sur du nouveau matériel (avec son compère Blaise ainsi que Stéphane Lemieux aux drums) avec cette même vitalité et cette même confiance qu'on a pu entendre dans ses textes.

Notre courte rencontre et son demi-album ont finalement plus en commun que j’aurais pensé. En fait, Lydia s’apparente bien au portrait innocent et ingénu de sa pochette. Mais cette attitude reste un outil plus qu’une fin. A posteriori, on y découvre un esprit conscient qui porte envers elle un regard violemment lucide, avec une répartie et une imagerie qui lui sont très, très propres.

Suivez-la donc sur Facebook.

Plus de contenu