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Arnaud Granata d’Infopresse nous explique comment survivre à l’échec
Crédit: Julie Artacho

On m'a proposé de lire le nouveau livre d'Arnaud Granata, Le pouvoir de l'échec. Avant même la possible entrevue, je m'étais intéressé au livre de l'éditeur d'Infopresse. Le titre très évocateur avait sonné une cloche chez moi. Et si échouer faisait partie du processus vers la réussite? Les plus grands de ce monde ont tous connu des échecs. Comment ces personnes ont-elles survécu et comment ont-ils rebondi par la suite?

Entrepreneurs à succès, psychologues, sociologue, spécialiste en éducation, tous ont parlé de l'échec et de la vision que l'on a du succès. À l'ère du numérique, il est bien facile de ce cacher dernière notre plus beau jour, n'est-ce pas?

C'est dans les bureaux d'Infopresse qu'Arnaud Granata m'a accordé cette entrevue.

Toi qui es entrepreneur, as-tu écrit ce livre pour te rassurer? Parce que moi, ça m'a rassuré.
Oui c’est vrai. En fait, c’est parti d’une démarche personnelle. Je voulais écrire un livre sur le succès des entrepreneurs. Il y a beaucoup d'entrepreneurs que j’admire et j’essayais de comprendre leur succès. En parallèle, j’ai aussi entrepris une démarche pour essayer de comprendre pourquoi j'avais autant peur de l’échec, je me suis dit, pourquoi ça ne ferait pas un seul et même projet de faire un livre sur la réussite, mais à travers le prisme de l’échec et finalement, ça s’est renversé et j'ai décidé de faire un livre sur l’échec à travers le prisme de la réussite.

C’est un processus qui a été comme une thérapie pendant que j’ai écrit le livre, parce que j’ai rencontré des sociologues, des psychologues, etc. pour essayer de me comprendre moi et de comprendre notre peur de l’échec. En rencontrant ces entrepreneurs, j'ai vraiment été inspiré par ces gens qui, oui, avaient connu des échecs, mais qui quelque part en parlaient de façon très libre. C’est quelque chose que je trouvais nouveau et devant lequel je n’avais jamais été exposé. Égoïstement, ç’a été une belle thérapie pour moi!

Qu'est-ce qui est rassurant lorsque l'on voit quelqu'un échouer?

Ce qui est rassurant, ce n’est pas tant de voir quelqu’un qui a échoué, mais quelqu’un qui s’est repris. C’est de voir quelqu’un pour qui l’échec n’est pas une fin en soi, mais aussi une étape dans son parcours. La psychologue Rose-Marie Charest me disait qu'on connait tous des échecs dans notre vie, c’est un fait, l'important c’est le processus pour y arriver. C’est ce que je trouvais intéressant de tous ces entrepreneurs. Quand ils sont en situation d’échec, il y a toujours un choc, c’est humain et normal. C’est rassurant de voir qu’on est tous heurtés par des échecs et que ça nous blesse, mais une fois que ce choc-là est passé, c’est là qu'il faut rebondir. Cette faculté de rebond est permise parce qu'ils analysent leurs échecs de façon assez froide. Ils sont capables de dire : «ce n’est pas moi qui suis un échec, mais c’est mon projet qui a échoué.» 

À Deux Filles le matin, lors de ton entrevue, Lise Watier et Gilles Duceppe disaient que c’était un choix de se relever ou pas, crois-tu que tout le monde est apte à se relever?

J’étais moyennement d’accord avec le choix de se relever. Je pense que non. Il y a des échecs totaux et il y a des gens qui perdent tout et qui effectivement n’arrivent pas à s'en relever. Je pense que ce n’est pas un choix. C’est juste que parfois, l’échec nous paralyse. Moi, ce qui m’intéresse, c’est surtout le côté essai-erreurs. J’entendais beaucoup dans mon entourage : «Ah, je ne vais pas faire tel projet, parce que ça ne marchera pas, ça me fait peur.» La psychologue me disait que s'ils avaient aussi peur de la réussite, ils préféraient ne rien faire. Donc, oui on peut choisir de faire quelque chose. Le point principal c’est de dire j’essaie et si je me plante, je me reprendrai.

De l'autre côté, il y a des jeunes qui arrivent de l’école, qui sont éduqués par des parents qui ont un enfant, qui mettent tous leurs espoirs sur leur enfant, qui leur mettent une pression énorme et ces enfants-là, avec un système scolaire qui valorise l’ultra performance, se ramassent à avoir peur d’essayer parce qu’ils ont peur d’échouer. Il y a donc un double discours aussi dans la société et c'est de ça que je voulais parler.

Dans ton livre, si l’on peut pointer du doigt quelqu'un, c’est le système d’éducation actuel qui ne favorise pas l’apprentissage par échecs. Qu’aimerais-tu qu’on y enseigne à la place?

Moi je reste qu’un observateur. Égide Royer, le spécialiste en adaptation scolaire disait : «On devrait peut être plus enseigner la performance plutôt qu’enseigner à réussir» et des fois, c’est vrai. Je me revois dans le système d’éducation [européen]. On ne nous enseigne pas à nous reprendre, on ne nous enseigne pas à surmonter un échec, on ne nous enseigne pas la puissance du rebond et je trouve que s’il y a quelque chose sur laquelle il faut insister, c’est vraiment ça! Après, on ne peut pas nier le fait qu'on vit dans une ère de réseaux sociaux, de culture de soi, de la performance, de l’image que l’on a de nous. Je crois qu’il faut faire avec notre temps et qu’on est dans le pic de l’égoïsme. Je pense qu’il y aura un retour du balancier.

Toi qui es dans le milieu des médias depuis longtemps, est-ce que tu critiques ça?

Je trouve qu’on a besoin de héros. Les nouveaux héros d'aujourd’hui sont les entrepreneurs et je trouve que ce qu'on pourrait faire en temps que média, c’est d’aborder d’une autre façon le succès de ces gens-là, de montrer leur vulnérabilité. Au final, ça touche les gens. Depuis que j’ai sorti le livre, j’ai plein de feedback de gens qui n’avaient jamais entendu parler de Christiane Charette ou Christiane Germain ou encore Caroline Néron de cette façon-là. Il y a des gens qui ont appris à les aimer en lisant leur histoire et je trouve qu’il y a un beau filon pour les médias.

Parmi toutes tes entrevues, qui a eu le plus de réticence à parler de ses échecs?

Il n’y a personne que j’ai dû convaincre. Avec un courriel ou un appel, tous les gens qui sont dans le livre m’ont répondu quasiment de façon instantanée. Personne n'a essayé de montrer un bon côté de leur échec. C'est d’ailleurs ce que j’ai trouvé intéressant. Ils voulaient parler de leurs échecs. Je me suis rendu compte qu’on leur demande toujours la même chose et là ils avaient une opportunité de pouvoir parler d’eux-mêmes.

Si tu avais un conseil à un jeune qui veut se lancer en affaires, tu lui dirais quoi?

J'aime beaucoup le principe d’essais et erreurs, de penser sa vie comme une startup!

Est-ce que ça peut être difficile le Failfast?

Je pense que l’un des côtés qui peut être très négatif et ça, Nicolas Duvernois en parle aussi, c’est cette espèce de fascination quasi folle pour l’entrepreneur. C’est devenu les nouveaux Kanye West du monde, puis tout le monde veut être entrepreneur, certains ne savent même pas pourquoi! Certains se disent, «je vais avoir une idée et si ça ne marche pas, ce n’est pas grave je vais en avoir une autre», mais dans le fond on a complètement oublié la notion de persévérance, la base de l’entrepreneuriat! Oui, le fail fast, mais fail fast dans un truc sur lequel tu te donnes à 100% et que tu vas jusqu’au bout pour le faire. Je trouve que d’allier la persévérance et l’esprit d’entreprendre c’est quand même ça qui fait que tous les gens avec qui j’ai parlés, tous sans exception ,sont ce qu’ils sont aujourd’hui!

Nicolas Duvernois m’a déjà dit (à la blague) qu'être entrepreneur à succès, c'est peut-être lorsque tu fais de l’argent en dormant. As-tu cette vision?

L’argent est un facteur important, oui, mais je crois que les entrepreneurs qui ont la sensation d’avoir réussi, ce n’est pas que mesurable à travers l’argent. C’est ce qu’on appelle en philosophie, la vie bonne. C’est le travail, les amis, les implications, la vie sociale, je crois que c’est un mixte de tout ça. Jean-François Bouchard, le fondateur de Sid Lee me disait, «il y a un moment où je gagnais plein d’argent, mais je n’étais pas heureux. Jusqu’au jour où j’ai commencé à faire du sport, à consacrer du temps à ma famille, etc.»

On le voit dans notre génération? 

Je trouve que la nouvelle génération recherche encore plus un équilibre. Je le vois avec les gens. Moi j’ai 34 ans, quand je travaille avec des gens de 22, 23 ans, leur premier critère c’est justement la famille et le travail. Moi, quand j’ai commencé à travailler, je m’en foutais de travailler jusqu’à minuit le soir.

Après l’écriture de ton livre, comment gères-tu l’échec aujourd’hui?

Ce que ça m’apprend, c’est que sur le moment c’est dur. Personne ne veut connaître l’échec. Encore aujourd’hui, si tu me dis que mon bouquin va être un échec total, j’en serais très triste. Ça m'a juste appris que si le livre ne fonctionne pas, ça ne veut pas dire que je ne suis pas bon, ça ne veut pas dire que je ne vais pas tenter autre chose, ça ne sera pas un éteignoir. Je me dis souvent ça, sur 10 projets que je fais, il y en a peut-être 8 qui vont échouer et 2 qui vont réussir, bah c’est ça! Je crois que je continue d'appliquer ce ratio-là. Je pense aux gens que j’ai rencontrés qui se sont ouvert à leurs échecs et je me dis, bah dans le fond, je suis comme eux!
 

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