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2 minutes avec Nomadic Massive, les nomades du hip-hop Québécois
Crédit: Manikmati Photography

C’est fou de croire que Nomadic Massive fête leurs 12 ans d’existence cette année! Depuis 2004, Tali, Meduza, Lou Piensa, Vox Sambou, Waahli, Ali Sepu, Butta beats et Rawgged ont réalisé 7 albums et mixtapes, performé aux quatre coins du monde, et mis de l’avant plusieurs carrières solo. Fort de leurs succès collectifs – ou individuel – le supa crew montréalais n’a pourtant aucune intention de s'asseoir sur leurs lauriers.

En effet, la formation multi-tout de Montréal a connu un été très actif avec une série de spectacles (Festival de Jazz de Montéal, Festival International de Nuits d’Afrique et Festival MEG Montréal) pour faire la promotion de leur nouvel opus The Big Band Theory. Un excellent album de 16 titres hip-hop engagés et polyglottes aux influences haïtiennes, algériennes, chiliennes, antillaises et argentines. Le tout sur des beat variant entre le old school rap, le soul, le funk, l'électro et du hip-hop d’avant-garde.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec les MC Lou Piensa et Waahli (alias Wyzah) afin d’échanger sur le groupe, leur musique et leur nouvel album.
 

Quelle est l’origine du nom «Nomadic Massive»?
 
Lou Piensa : Le groupe est né de l’idée d’un voyage collectif à La Havane pour participer à un festival de rap à Cuba, en 2004. Nous étions tous des artistes solos à l’époque, mais le festival n’avait plus de place pour plusieurs performances et ils nous ont proposé un set collectif de 30 minutes. C’est à partir de là qu’on a commencé nos collaborations, et puis il nous fallait un nom.

On cherchait un truc qui soit relatif au voyage et au fait qu’on soit une grosse équipe. Comme on venait d’horizons divers et de plusieurs endroits dans le monde et qu’on avait tous envie de voyager avec la musique, le terme Nomadic nous a tout de suite parlé. Massive, c’est en référence aux influences jamaïquaines dans la culture hip-hop. Dans ce contexte, le Massive et un collectif d’artistes qui fait souvent des shows improvisés dans les quartiers avec les moyens du bord. Et puis, c’est massif parce qu’on débarque toujours à plusieurs!
 
Malgré que vous êtes un groupe très connu de la scène hip-hop (vous avez été élus pendant 2 années consécutives le meilleur groupe de hip-hop scène locale par le Montréal Mirror) vous semblez toujours peu connu du public québécois en général. Comment expliquer ce décalage ?
 
Lou Piensa : Je pense que les gens ont du mal à nous catégoriser et ça a été un vrai défi de trouver un label local qui soit prêt à se lancer dans notre aventure. Aussi, on a beaucoup priorisé la scène et les tournées, ce qui fait qu’on est souvent à l’extérieur de Montréal. On a très peu tourné au Québec, comparé au reste du monde.
 

 
Plusieurs de vos membres ont plusieurs carrières : directeur de maison des jeunes, éducateur, enseignant, etc. Est-ce que c’est important pour vous d’avoir une vie à l’extérieur de Nomadic Massive ?
 
Lou Piensa : C’est intéressant dans la mesure où presque tous les membres travaillent en dehors de la musique, mais leur travail reste lié à la musique d’une façon ou d’une autre. La Maison des jeunes où Vox travaille a un studio communautaire où les jeunes développent des projets artistiques. Tali travaille en radio où elle chronique assez souvent des disques et elle fait des ateliers sur la culture hip-hop dans les écoles. Waahli fait des ateliers hip-hop sur les droits des citoyens face aux forces de l’ordre. Butta et moi avons fondé avec plusieurs partenaires un studio professionnel au sein d’une école secondaire où nous animons un programme hip-hop de création musicale. Ali Sepu est prof d’anglais et d’espagnol et aussi de musique. Donc, tout est relié ; nos expériences artistiques influent notre expérience professionnelle en dehors de Nomadic et, vice-versa.
 
Votre style de hip-hop a toujours été très positif et un peu alternatif de la norme. Est-ce que c’est important pour vous de montrer un autre côté du hip-hop ? Et est-ce que vous considérez avoir été les premiers, à Montréal, à faire cela ?
 
Lou Piensa : Montrer un autre côté oui, mais pas pour prouver quoi que ce soit. Plutôt pour que la facette positive et constructive de cette culture ait la place qu’elle mérite. En 2016, on est encore victime de beaucoup de préjugés et les grands médias ne font pas grand-chose pour les contrer. On veut juste montrer plus de diversité. Quand on voyage, on voit comment le hip-hop change les vies dans des coins défavorisés. Je ne pense pas qu’on était les premiers à le faire. Je pense à Muzion ou Shades of Culture qui faisaient déjà quelque chose de similaire avant nous, mais à leur façon.
 

 
Est-ce que vous vous considérez comme un groupe engagé ?
 
Waahli : Oui, on cherche à s’impliquer dans des causes sociales qui nous parlent en tant qu'individus. À part le pouvoir rassembleur de la musique, l'éducation est l’un des aspects qui nous relient tous en tant que groupe.
 
Lou Piensa : En même temps, cette étiquette peut être parfois limitante, l’engagement est un aspect de la vie. Ceux qui nous connaissent savent qu’on est des grands blagueurs, capables de prendre les choses à la légère.

Comment expliquer que vous soyez si peu nombreux à véhiculer de tels messages ? Est-ce que positivité et rap sont deux notions contradictoires ?
 
Waahli : Le hip-hop a débuté en ayant des racines pacifistes qui célébraient le fait de pouvoir créer quelque chose à partir de rien, c'était déjà un mouvement alternatif et positif.
 
Lou Piensa : Je suis d’accord, il faut plonger dans l’histoire du hip-hop et du rap pour comprendre le contexte. Cette culture part d’un besoin de transformer le négatif en positif et elle continue à influencer les communautés de façon positive à travers le monde. Même s’il y a de la place pour toutes sortes d’expressions, ce serait une grande erreur de dire que positivité et rap sont contradictoires.
 

 
En tant que groupe multilingue et multiculturel de 8 membres, comment réussissez-vous à balancer tous ces talents et cultures ?
 
Waahli : Je pense que Montréal est déjà une version macro d’une réalité multiculturelle et Nomadic Massive est une micro to macro.
 
Lou Piensa : On ne calcule rien, c’est juste qui on est. Notre plus grand lien c’est la musique et notre humanisme. Le côté multiculturel c’est une coïncidence, mais c’est une énorme richesse, parce qu’on peut aller puiser dans beaucoup de sources et on rejoint un public et des communautés beaucoup plus larges.

Et comment cela fonctionne quant au processus créatif? Est-ce que chacun écrit de son côté ou bien c’est un travail créatif de groupe ?
 
Lou Piensa : Pour cet album, ça s’est fait dans tous les scénarios imaginables. Les idées viennent de partout. On a des beatmakers, des auteurs, des compositeurs. La création peut venir lors d’impro en pratique, d’une idée partagée dans l’avion, dans les chambres d’hôtel, dans notre studio, au téléphone, etc. On ne pouvait pas attendre d’être tous ensemble pour créer. Le tout prend souvent forme le jour de l'enregistrement où on essaye de tous se réunir.
 

Cela fait 3 ans depuis la sortie du EP Any Sound et 7 ans depuis votre dernier album studio, pourquoi la longue attente ?
 
Waahli : Ces dernières années nous avons la chance d'être occupés à tourner dans plusieurs villes à travers le monde.
 
Lou Piensa : Oui et nos vies individuelles sont beaucoup plus chargées qu’auparavant.

À quoi on peut s’attendre avec votre nouvel album The Big Band Theory ?
 
Lou Piensa : Un album qui revient à nos racines hip-hop où l’instrumentation live vient parsemer les beats. Et puis il y a des grosses influences jazz, soul, latines et même de folklore haïtien qui s’entremêlent de façon naturelle avec les samples choisis ou le chant. Ce disque rend hommage à cet héritage culturel dont a bénéficié la culture hip-hop, tout en le mélangeant aux réalités d’aujourd’hui.
 
Waahli : Les thèmes sont variés et souvent on aborde le même thème de façon différente sur un même morceau. Et puis, on s’exprime dans plusieurs langues, en essayant de les entremêler de façon fluide à travers un flow cohérent.
 

 
Comment voyez-vous l’avenir pour Nomadic Massive ?
 
Waahli : On se concentre actuellement sur le présent, le temps d’honorer et défendre notre album The Big Band Theory en faisant le plus de spectacles possible, afin de rejoindre le plus de gens possible.
 
Lou Piensa : La scène demeure notre terrain de bataille préféré. Nomadic est une grande famille qui a des liens pour la vie qui iront au-delà de la musique. Je pense aussi qu’après 12 ans, chaque membre ressent un besoin de s’exprimer en solo.
 
Nomadic Massive sera en spectacle ce 12 août à la TOHU dans le cadre de l’événement la Falla, ainsi que le 13 août à l’occasion du Carnaval Estival.

L’album The Big Band Theory est présentement disponible un peu partout et visitez leur site web pour plus d'informations.
 

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