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Hey le Chintok!

Auteur: David Trang
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Hey le Chintok!
Salut.

Premièrement, je fais mon mea culpa. Je sais, ça fait longtemps que j'ai pas écrit. Aujourd'hui, je prends la plume (le clavier) parce qu'il y a quelque chose qui m'a un peu gossé récemment et j'avais besoin d'en parler.

Après avoir écouté Tout le monde en parle dimanche passé, j'avais le goût de m'exprimer. En fait, je ne veux pas revenir sur l'entrevue avec Louis Morissette, le débat sur les races et ladite controverse de ce qui s'est passé autour du producteur ainsi que les autres événements survenus dans les médias.

J'aimerais simplement souligner un passage du rappeur Webster, dont les dires ont un peu passé sous silence, selon moi : la place qu’on donne et les images qu’on montre pour représenter les diversités culturelles dans les médias.

Touché, mon ami.

Ça m’a donné un coup de pied dans le derrière pour donner mon point de vue en tant qu'Asiatique québécois. Parce que oui, moi, l’Asiatique, je suis capable de dire ce que je pense tout haut. Toute ma vie, j'ai vécu le racisme. « Hey le chintok! ». Been there. Je l’ai surtout vécu lorsque j'étais plus jeune, mais aussi aujourd'hui (oui en 2016).

En vieillissant, j’ai appris une chose. Je vais vous l'expliquer seulement à la fin du texte. Si vous n'avez pas envie de vous taper ça, sautez directement au dernier paragraphe.
 
Revenons sur les paroles de Webster, qui m’ont frappé aussi fort que le jour où on m’a dit : « Heille tu sens les egg rolls! ». Une sorte de coup de poing sale et amer reçu dans la face. Quand j’ouvre la télévision, à qui voulez-vous que je m'identifie comme modèle? Personne for real. Il n'y a personne qui me ressemble en tout cas dans la télévision québécoise.

On apprend beaucoup avec la télévision durant notre enfance – la preuve, j’ai appris l’anglais avec les émissions anglophones (feu The Magic School Bus). Alors se défendre, se battre pour son point de vue, même lever la main en classe, où as-tu déjà vu ça à la télévision, jeune asiatique? Parce qu’on va se le dire : on a ancré dans la société des stéréotypes pour tout.

J'ai toujours fait à contre-courant ce qu'on aurait pu croire ou imaginer ou stéréotyper d'un Asiatique.

J’ai fait du théâtre, de la photo, des communications, de la télévision et de la rédaction. Tout ça par passion. Je me dis que parfois, je le fais pour prouver aux autres (lire ici «société») que moi, David aux yeux bridés, je suis capable de faire comme tout le monde. J’ai brisé lesdits stéréotypes tellement ancrés dans notre société. Durant toute ma vie, j'ai été le seul asiatique partout où je suis passé, en théâtre, à l'université, dans mes emplois…

Quand on me proposait un rôle à la télé, que ce soit un petit ou un grand rôle, c'était l'immigrant qui arrivait au pays, l'étudiant en maths ou en médecine ou même un champion en restauration japonaise. Tsé, je les ai tous vus passer, sauf le rôle d’un étudiant tout simplement. Plus jeune, je trouvais ça amusant parce que je manquais l'école. Au lieu de cela, je passais à la TV, c'était vraiment le fun.

Par contre, mes parents n’ont jamais cru que je pourrais réussir parce que : « personne ne te ressemble à la télévision David », m’ont-ils dit. À leur défense, ils ont toujours cru en moi et dans ma volonté de réussir. C’est là, le support que j’ai eu.

En vieillissant, j'ai réalisé qu'on m’appelait non pas pour mon talent, mais pour ce que j’avais l’air physiquement. Quand j’allumais la télévision, c'était le même monde que je voyais. Oui, honnêtement, j’ai baissé les bras parce que ça ne m'apportait rien et que ce n'était pas worth it. Worth the struggle. Comment est-ce que je peux avoir un modèle dans ce monde qui ne semble pas fait pour moi? Bref je ne joue pas à la victime, loin de là. J'ai fait mon deuil to be honest. Mais oui, il y a énormément d’asiatiques au Québec : des Japonais, Coréens, Thaïlandais, Cambodgiens, Vietnamiens, Chinois et j’en passe. Et non, ils ne sont pas tous anglophones ou médecins ou habitent à Brossard. Ils sont partout et ils parlent français, mais ils ne sont pas dans notre télé.

Alors, peut-être que oui, la représentation des races dans les médias a eu un impact sur moi durant ma jeunesse. Peut-être que oui, je passe sous silence parfois, car personne ne m'a montré l'exemple de défendre jusqu'au bout son point de vue. Même aujourd’hui, parfois, je regarde autour de moi, et je me surprends d'être encore le seul asiatique : à l’école, où je vais prendre mon café, où je sors et où je travaille. J’ai peut-être très bien relevé mon défi d’aller à contre-courant de ce qui était jadis censé/cliché être fait pour moi : pharmacien, médecin ou propriétaire de dépanneur. Ça fait que pour ça, je me donne une grande tape sur l’épaule. Deux même.

En vieillissant, j'ai surtout appris une chose : s'en câlisser. La vie, faut prendre ça à la légère. Pourquoi rendre ça lourd?

Un des stéréotypes que j'ai le plus souvent entendus sur les Asiatiques : «C'est tellement cute des bébés asiatiques » Well, j'assume au moins ce point-là.
 


David Trang : «Moi en 1994, quand j'avais l'air d'un Pokemon».
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