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Tinder localise désormais les centres de dépistage, mais sans mettre le doigt sur le bobo
Crédit: AIDS Health Foundation

Tinder? Chlamydia. Grindr? Gonorhée.

Le panneau frappe l’imaginaire en établissant un lien direct entre les applications mobiles de rencontre par géolocalisation et le risque de contraction d’infections transmissibles sexuellement (ITSS).

Voilà qui n’a pas plus du tout aux bonzes de Tinder, cette fameuse dating app que vous connaissez fort bien et dont vous vous êtes probablement servi au moins une fois dans votre vie.

Quand Tinder a su l’existence de ce panneau publicitaire, affiché en septembre dernier dans les rues et les parcs de Los Angeles, l’entreprise a aussitôt mis en demeure l’AIDS Healthcare Fondation (AHF) et lui a demandé de mettre fin à la campagne, a rapporté NBC News à l’époque.

La campagne publicitaire de l’AHF n’a cessé qu’en janvier 2016, quand Tinder a consenti à intégrer à son application un module de localisation des centres de dépistage d’ITSS les plus près des usagers… Intégrer, c’est un bien grand mot.

L’utilisateur doit aller dans les paramètres, accéder au lien externe d’aide et d’assistance de Tinder, faire longuement défiler la page de FAQ jusqu’à la toute fin, où se trouve la section sur la sécurité et la santé sexuelle. C’est là que se trouve le lien vers le localisateur, qui ne relève que des centres aux États-Unis, faut-il le mentionner.

Source : captures d'écran Tinder

En gros, le module n’est pas vraiment user friendly. C’est à croire que Tinder l’a simplement ajouté à son produit pour clore le débat et faire plaisir à l’AHF.

Or, Tinder fait-elle réellement preuve de mauvaise foi? En admettant qu’elle ait agi de bon coeur, l’AHF est possiblement, malgré tout, celle qui a commis une bourde dans toute cette histoire.

Un problème dans la forme, pas dans le contenu

L’objectif de la campagne était de sensibiliser la population à la prévention sexuelle et non pas d’établir un lien de cause à effet entre Tinder et la hausse alarmante dans la progression des ITSS. L’existence d’un tel lien direct n’a pas été prouvée… pour le moment.

Au Québec, l’étudiante au doctorat en psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Gabrielle McNicoll est peut-être l’une des seules à se pencher sur le sujet.  Mme McNicoll aura le mandat dans les prochaines années, sous la supervision du docteur Dominic Beaulieu-Prévost, d’examiner le rôle potentiel de l’utilisation des applications de rencontre par géolocalisation (Geosocial Networking Applications – GSN) sur la santé sexuelle des jeunes adultes.  

«Le but présentement n’est pas d’accuser Tinder; il faudrait plutôt évaluer les mécanismes par lesquels la fréquence d’utilisation d’une dating app est susceptible d’augmenter les risques de contracter une ITSS, et ce, en comparaison avec d’autres modes de rencontres», m'a-t-elle expliqué dans une entrevue.

«Il y a beaucoup de facteurs à considérer avant d’établir un lien direct. On peut penser par exemple aux comportements sexuels à risque tels la quantité de partenaires sexuels, l’usage de préservatifs ou la consommation d’alcool et de drogues, le contexte et la durée de l’utilisation d’une application, les variables sociodémographiques, le rôle de l’orientation sexuelle et du genre, etc.»


Source : Amazon.com
Une hausse alarmante

Le dernier rapport de l’Institut national en santé publique du Québec indique que les taux déclarés d’infection à la chlamydia et à la gonorrhée sont actuellement en hausse constante. Des chercheurs et des organisations telles que l’AHF s’interrogent quant à ce qui pourrait favoriser cette propagation.

«L’utilisation d'application de rencontre réservée aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, telle que Grindr, a été étudiée par l’épidémiologiste Matthew R. Beymer et ses collaborateurs, a relaté Mme McNicoll. Une association entre l’incidence accrue des cas de chlamydia et de gonorrhée a été observée parmi ceux qui priorisaient davantage l’utilisation de ces app dans leur recherche de partenaires, comparativement à ceux qui priorisaient davantage les rencontres par le biais de sites web ou en personne.»

Matthew Beymer, épidémiologiste à l'Université de la Californie à Los Angeles
Source : begroup.co

 

«À ma connaissance, la majorité des études ayant évalué l’impact de l’utilisation des GSN sur la santé sexuelle des usagers ont été conduites auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes; les résultats ne se généralisent alors qu’auprès de cette population.»

Compte tenu du fait que le problème au niveau de la santé sexuelle des jeunes adultes québécois affecte les hétérosexuels et les homosexuels, il est pertinent d’enquêter sur le rôle potentiel des applications de date dans la transmission des ITSS auprès de ceux-ci. Cela pourrait permettre de cibler des méthodes de prévention adaptées à la réalité actuelle du dating.

Dans tous les cas, protégez-vous lors de relations sexuelles et n'oubliez pas votre condom!

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